5 modèles d'entreprises qui vont émerger avec la crise.

03 décembre 2021

La bonne vieille entreprise pyramidale avec postes fixes sera-t-elle bientôt supplantée par d'autres formes d'organisation ?
En voici cinq qui ont de l'avenir.

Par Bruno Askenazi 
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(...) Le modèle dominant d'entreprise, celui d'une structure pyramidale hébergeant des salariés en poste et tournée uniquement vers l'accroissement du chiffre d'affaires et des profits, sera-t-il encore majoritaire ? Nul ne le sait.
ais dès aujourd'hui, des modèles "alternatifs" émergent, proposant de nouvelles façons de s'organiser, de produire, de partager le pouvoir ou d'être acteur dans la crise climatique.
Voici cinq pistes pour explorer le futur des entreprises.


L'entreprise réseau

La pandémie l'a démontré : les activités de services, de conseil ou de création sont en mesure de fonctionner 100% en "distanciel". La voie ouverte à la multiplication des "entreprises-réseau". Leur principe : un noyau de dirigeants qui, au lieu de recruter, ne travaille qu'avec des free-lances, chacun étant expert dans son domaine. (...)

Pourquoi on va y venir ? La tendance paraît inéluctable : dès 2027, plus de la moitié des travailleurs américains seront free-lance, selon une étude d'Edelman Intelligence/Upwork. "Le principal défi pour l'entreprise réseau, souligne Sophie Serratrice, associée People & Organisation de PWC France et Maghreb, sera de créer un attachement avec ses compétences externalisées, par exemple en donnant accès à des formations." Les talents les plus courtisés sont aussi les plus volatils!

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L'entreprise autogouvernée

Le modèle pyramidal serait-il à bout de souffle ? Considéré comme une "machine à démotiver" par nombre de chercheurs en management, il a en particulier l'inconvénient de brider la capacité d'adaptation des entreprises, alors qu'un futur "chaotique" se profile…
A l'encontre de cette rigidité pré-mortem, se créent des organisations où les employés agissent comme des entrepreneurs et autodéterminent leur travail. Ainsi en est-il de l'holacratie, un mode d'organisation où les entreprises se dotent d'une "constitution" et où chacun se voit attribuer un périmètre d'action et une réelle autonomie. "En étant responsabilisés, les salariés mettent plus d'énergie dans leur travail qui prend un vrai sens", précise Bernard Marie Chiquet, fondateur de l'Institut iGi, spécialiste du management constitutionnel.

Appelé "cercle", chaque service évolue comme une entité autonome. Les managers sont toujours là mais ils ne donnent pas d'ordres. Ils mettent de l'huile dans les rouages, comme chez Enerfip, plateforme de financement participatif dédiée aux énergies renouvelables (22 personnes), fondée sur ce modèle. "On laisse chaque cercle se responsabiliser, les personnes les plus concernées ayant les meilleures idées pour mener leur barque. Avec ce système, les problèmes se résolvent d'eux-mêmes sans que la direction impose quelque chose", explique Léo Lemordant, président cofondateur d'Enerfip.

Pourquoi on va y venir ? Adopté par plusieurs centaines d'entreprises à travers le monde, ce fonctionnement améliore la souplesse de l'organisation face aux incertitudes. Mais il a aussi l'avantage de combler la quête de sens des salariés, qui passe notamment par le sentiment d'autonomie et la liberté d'initiative. (...)

L'entreprise ONG

Dans son projet de rapport 2022, le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) alerte sur les menaces que fait peser le réchauffement sur la vie humaine, plaidant pour une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, gouvernement … et entreprises.
Les "sociétés à mission" sont peut-être un modèle précurseur en la matière. La loi Pacte de mai 2019 instaurant ce statut permet à des entreprises d'afficher dans leur "raison d'être" des engagements dans le domaine social et environnemental, auxquels elles ne peuvent se soustraire par la suite. La société à mission fait l'objet périodiquement d'un contrôle par un organisme indépendant.

Depuis janvier 2020, Faguo, marque française de baskets (100 salariés), fait partie de ces acteurs économiques qui veulent se rendre "utiles" au-delà de leurs objectifs financiers. Mesure et réduction des émissions de CO2, promotion d'un habillement éthique, lutte contre la surconsommation … la marque s'engage également à compenser son impact carbone en plantant un arbre à chaque paire achetée.

Elle a aussi reçu le label international B Corp, qui répond à une série d'exigences sociétales et environnementales, de gouvernance et de transparence envers le public. Le début d'une génération d'entreprises "politiques" ? "Nous sommes à mi-chemin entre une ONG et une société capitaliste", résume son président cofondateur, Nicolas Rohr, qui n'a rien d'un rêveur en rappelant que "Faguo ne touche aucune subvention publique tout en affichant 20% de croissance annuelle".

Pourquoi on va y venir ? Ce modèle est en phase avec les aspirations des salariés et l'évolution de la société. Selon une étude récente de la start-up WeNow, pépite de la "green tech", 75% des salariés souhaiteraient, par exemple, être formés aux enjeux climatiques. Et innombrables sont les études reflétant les attentes des salariés et des consommateurs en faveur d'une entreprise responsable sur le plan éthique et environnemental. La prise de conscience gagnera inévitablement les sphères dirigeantes… dans l'avenir !

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L'entreprise autarcique

Confrontée à une main d'œuvre d'indépendants toujours plus volatile, l'entreprise du futur pourrait bien être amenée à chouchouter au maximum ses collaborateurs pour retenir les meilleurs et les rendre plus productifs. D'où la tentation, peut-être, de les mettre sous cloche pour mieux les surveiller, comme dans la série britannique des années 1960 Le Prisonnier… Se profilent ainsi des entreprises-cités fonctionnant en mode quasi autarcique.

Pourquoi on va y venir ? En réalité, on y est déjà ! En Corée du Sud, la Digital City de Samsung regroupe 40.000 salariés, près de Séoul. On y trouve terrains de sport, cours de langue – auxquels il est fortement recommandé de participer –, salles de fitness, garderies, restaurants, commerces… Sur son campus californien, Google met également tout en œuvre pour garder sous la main ses employés le plus longtemps possible et les rendre plus performants. Dans ce système en circuit fermé, les salariés, forcément "corporate", deviennent dépendants de leur employeur, et donc moins enclins à le quitter.

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L'usine "à la demande"

Il y aura toujours des usines chargées de fabriquer des gros volumes de composants ou de produits semi-finis.
Mais, pour tout un pan de l'industrie en contact avec les utilisateurs finaux, l'avenir serait peut-être à "des usines hyper flexibles, conçues pour produire à la demande une grande diversité de produits et de modèles", anticipe Max Blanchet, directeur exécutif industrie 4.0 chez Accenture Strategy. Oubliées les lignes d'assemblage, place aux "stations de travail" qui, à chaque étape, recevront les éléments dont elles auront besoin grâce à un système d'approvisionnement intelligent, relié à des entrepôts automatisés.

Pourquoi on va y venir ? Parce que la technologie évolue en ce sens. Grâce au numérique et à la généralisation de l'impression 3D, les usines de demain sauront répondre en quelques minutes à des demandes très spécifiques du client : rajout d'ingrédients, format personnalisé, couleur originale… Bienvenue dans l'ère de l'usine à la demande.