Retraite à 64 ans : ce qui pourrait changer pour vous en 10 questions

06 juillet 2021


La réforme des retraites est à nouveau d'actualité. Qu'elle se produise avant ou après la fin du quinquennat, elle risque de bouleverser les plans de ceux qui tournent autour de la soixantaine. De quoi susciter de nombreuses interrogations et inquiétudes, surtout si elle intervient dès 2023. Réponses d'experts à 10 questions clés.

 

L'épisode Covid aura retardé l'échéance mais la réforme des retraites est en marche. Il semble acquis que nombre d' ajustements imaginés dans la première version , jugés trop complexes, seront abandonnés. L'hypothèse centrale est, aujourd'hui en tout cas, le recul de l'âge de la retraite à 64 ans.

Un changement simple a priori mais qui a de nombreuses conséquences en cascade. Valérie Batigne, fondatrice de la plateforme retraite sapiendo.fr, et ses experts répondent très concrètement aux questions essentielles pour les personnes concernées.

1. Qui serait concerné et à quel rythme ?

La première génération concernée serait celle née en 1961, c'est-à-dire les personnes âgées de 60 ans aujourd'hui. Elles partiraient à 62 ans et demi, celles nées en 1962 partiraient à 63 ans… et ainsi de suite. Celles nées en 1964 partiraient à 64 ans. « C'est la première fois qu'une réforme touchant à l'âge serait mise en oeuvre aussi rapidement », souligne Valérie Batigne.

2. Comment se conjugueraient la réforme et le malus temporaire de 10 % ?

Actuellement, les salariés qui partent à 62 ans à taux plein subissent un malus temporaire (pendant 3 ans) de 10 % sur la pension versée par le régime complémentaire. Cette mesure a été imaginée pour soulager les finances du régime Agirc-Arrco et inciter les personnes concernées à retarder leur retraite. Ce malus disparaît dès lors que les salariés travaillent un an de plus, en l'occurrence, jusqu'à 63 ans.

« Avec un départ repoussé à 64 ans, ce malus n'aurait plus de raison d'être et devrait être supprimé, estime Valérie Batigne. Il est toutefois possible que soit imaginé un régime transitoire où il pourrait subsister partiellement ».

3. Quelles conséquences sur le montant de la retraite ?

« Cette réforme devrait conduire à des retraites plus élevées, affirment les spécialistes de Sapiendo. D'une part parce que pour le régime de base, les salariés travailleraient 8 trimestres de plus. Ce qui aurait mécaniquement pour effet de supprimer les éventuelles décotes qu'ils peuvent subir actuellement. D'autre part, pour le régime complémentaire, le fait de travailler deux ans de plus implique d'engranger plus de points de retraite donc d'augmenter son montant ».

4. Quelles conséquences sur les retraites progressives ?

Pour Valérie Batigne, « c'est une vraie décision politique ». Actuellement, une retraite progressive peut être déclenchée à partir de 60 ans. « Techniquement, il est possible de laisser la possibilité de la mettre en place à 60 ans ou de la décaler à 62 ans », affirme-t-elle.

5. Quelles stratégies envisager pour les personnes nées en 1961 (et après) ?

« Les personnes qui souhaitent travailler un peu moins peuvent justement mettre en place une retraite progressive », suggère cette experte retraite. Laquelle redoute néanmoins un afflux massif de salariés au Pôle emploi à partir de 60 ans. Ce qui aurait pour effet de perdre en assurance-chômage ce qui serait gagné en termes de retraite.

6. Comment adapter le départ anticipé ?

Ce n'est pas une mince affaire car près d'un quart des salariés sont concernés (22 %). Ce dispositif, dont François Hollande a élargi la portée, permet de partir à la retraite deux ans avant l'âge légal, soit dès 60 ans, si tous les trimestres sont acquis. Il faut aussi remplir des conditions comme l'acquisition d'un certain nombre de trimestres avant l'âge de 20 ans. Il faut aussi qu'il s'agisse de trimestres considérés comme « réputés cotisés ». En l'occurrence les trimestres réellement cotisés plus quelques exceptions (par exemple 4 trimestres de chômage au maximum peuvent être comptabilisés).« Logiquement, ce dispositif devrait aussi être décalé de deux ans, mais on peut aussi imaginer de revenir à des solutions intermédiaires consistant à exiger un plus grand nombre de trimestres cotisés, ce qui permettrait de conserver cet avantage pour les personnes ayant commencé à travailler très jeunes, par exemple à 16 ans », expliquent les experts de Sapiendo.

7. Y aurait-il des exceptions à cette augmentation de l'âge de départ ?

Selon Valérie Batigne, il y en aura certainement pour les personnes ayant travaillé très jeunes, celles qui sont inaptes ou ayant rencontré des problèmes de santé. « Des exceptions pourraient aussi être instaurées pour des professions que l'on souhaite gratifier », estime-t-elle. On pense, par exemple, aux soignants.

8. Quid des personnes qui auraient racheté des trimestres pour partir à taux plein à 62 ans ?

C'est un vrai problème car certaines d'entre elles pourraient dès lors avoir trop de trimestres. En d'autres termes avoir racheté inutilement des trimestres. « Il serait alors possible de recourir à la méthode utilisée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy lorsque l'âge de la retraite avait été porté de 60 à 62 ans. Il avait alors été décidé de rembourser ces trimestres inutiles. Avec un corollaire : celui de l'imposition de ces remboursements puisque les sommes allouées au rachat de trimestres avaient été déduites du revenu imposable », explique Valérie Batigne.

Reste un écueil : celui du changement de tranche marginale d'imposition. Ceux dont la TMI a augmenté seraient de facto pénalisés par le remboursement de ces trimestres rachetés.

9. Une mise en place aussi rapide est-elle réaliste sur le plan pratique ?

« Il me semble difficile de mettre en oeuvre une telle réforme dès 2023, estime Valérie Batigne. Si la loi est votée en fin d'année, il ne reste qu'un an pour sortir toutes les circulaires d'application, toutes les caisses devant ensuite mettre à jour leurs systèmes informatiques. D'autant que c'est un chantier qui n'est pas anticipé sur le plan opérationnel ».

10. Quid des régimes spéciaux ?

« La logique serait de retarder de deux ans l'âge de la retraite pour tous les régimes spéciaux, y compris les fonctionnaires, la SNCF… soulignent les spécialistes de Sapiendo. Sinon, les inégalités entre Français en termes de retraite seraient encore accentuées ». Un constat objectif, mais chacun sait comme il est difficile de toucher à ces régimes.

« En tout cas, conclut Valérie Batigne, la réforme consistant à repousser l'âge de la retraite à 64 ans est une réforme purement financière et paramétrique… qui laisse toute la place à une future réforme systémique permettant de rendre le système de retraite plus juste et plus transparent ».

Par Marie-Christine Sonkin

Publié le 1 juil. 2021  - Les Echos

https://www.lesechos.fr/patrimoine/retraite/retraite-a-64-ans-ce-qui-pourrait-changer-pour-vous-en-10-questions-1328792