Salaire décent : quand les multinationales s'engagent

01 septembre 2021


L'union fait la force. Avec L'Oréal et Unilever en figures de proue, ce sont au total une quarantaine d'entreprises, considérées comme des références dans leurs domaines ( AXA , Microsoft, Hitachi, Accenture, Schneider Electric, Danone…) qui mènent le combat pour la mise en place d'un « salaire décent » pour l'ensemble de leurs personnels disséminés aux quatre coins de la planète. Y compris - et surtout - dans des pays où la législation est muette sur cette question.

Une notion qui mérite, en préambule, d'être définie. « Un salaire décent permet à un travailleur, ainsi qu'à sa famille, de satisfaire leurs besoins essentiels tels la nourriture, l'eau, le logement, l'éducation, les soins de santé, l'habillement et le transport et de faire face aux événements imprévus », explique Camille Putois, directrice de la coalition B4IG mise sur orbite à l'issue du sommet du G7 de Biarritz à l'été 2019, sous l'impulsion d'un trinôme composé d'Emmanuel Macron, du directeur de l'OCDE de l'époque José Angel Gurrià et d'Emmanuel Faber, qui présidait alors aux destinées de Danone.


Montrer l'exemple

« Les entreprises ont leur rôle à jouer dans la réduction des inégalités. Elles doivent développer des business models plus inclusifs et travailler avec les gouvernements sur ce sujet. Nous avons adopté une feuille de route très ambitieuse », développe Camille Putois, qui veille à la bonne harmonie au sein d'une coalition qui, depuis l'automne 2020, planche sur la mise en place de ce salaire décent jusqu'à l'adoption « d'une prise de position commune » sur cette question en juin 2021. « Dans une grande entreprise comme L'Oréal, qui est implantée dans un grand nombre de pays du monde, il a fallu faire une analyse globale de la situation : nous avons une politique salariale incitative mais nous avons tout de même dû apporter, dans certains pays, quelques petites corrections », reconnaît aisément Alexandra Palt, directrice RSE du groupe mais également de la Fondation L'Oréal.

Outre cet engagement « interne », les membres de la coalition veulent entraîner dans leur sillage leurs fournisseurs stratégiques, c'est-à-dire ceux dont la valeur ajoutée est significative dans les résultats de leur groupe. Pas une mince affaire de prime abord, l'idée étant d'éviter le rapport de force. Mais le leader mondial de la cosmétique espère que son exemple sera une source d'inspiration et mise (énormément) sur la pédagogie. « Avant d'engager les autres, il faut être exemplaire. Cela a toujours été notre philosophie », explicite Alexandra Palt. Et de poursuivre: « Certains grands fournisseurs de L'Oréal comme Firmenich (partenaire historique et premier fournisseur de parfum du groupe, NDLR) sont déjà engagés dans cette voie. D'autres fournisseurs vont devoir mener un véritable travail de transformation qui va prendre quelques années. Cela serait contre-productif de les mettre au pied du mur du jour au lendemain. » Un « lendemain » qui interviendra néanmoins en 2030, horizon fixé par L'Oréal pour que l'ensemble de ses fournisseurs se mette en ordre de marche.


Devoir de vigilance

Une « mise en règle » qui devrait intervenir encore plus tôt, dès 2025, chez Schneider Electric, autre tête de gondole de la coalition B4IG. « Pour la période 2021-2025, Schneider s'engage à ce que 100 % de ses fournisseurs stratégiques offrent un travail décent à leurs employés », précise Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric . Mais la pédagogie n'empêchant pas la fermeté, le leader mondial des solutions numériques d'énergie prend très à coeur sa mission « d'imposer » ce salaire décent à ses fournisseurs qu'il s'engage aussi à accompagner. « Dans le cadre de son devoir de vigilance, via des audits internes ou externes ou par l'intermédiaire d'équipes Achats dédiées, Schneider Electric veillera à la bonne application de ces engagements », assure le responsable. Avant d'asséner: « Si au bout d'un an d'audit, aucune évolution n'est constatée et que le fournisseur ne respecte toujours pas ces engagements, il ne sera tout simplement plus fournisseur de Schneider Electric. » Le rendez-vous est pris.

Les Echos publié le 1er septembre 2021

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