Le «quiet quitting» : la «démission silencieuse» de ceux qui restent en poste mais décident de lever le pied

08 septembre 2022

Témoignages, confessions, conseils... Apparu sur TikTok, le #quietquitting prend de plus en plus d'ampleur et dépasse désormais les 65 millions de vues.
Que révèle cette tendance ?

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«Je n'ai pas envie d'y laisser ma santé». Thomas*, 26 ans, chargé de clientèle au Crédit Mutuel depuis près de six ans, confie que sa vie professionnelle a pris un nouveau tournant. «Je me donne à fond, j'ai toujours été comme ça. Mais ma patience est arrivée à ses limites», déplore-t-il.
Depuis plusieurs semaines, il a choisi de refuser les «heures sup'», les remplacements de collègues «pour dépanner», ou simplement de répondre à ses e-mails en dehors du travail. Et il n'est pas le seul, des centaines d'autres travailleurs de moins de 30 ans adoptent cette nouvelle alternative à la démission : le «quiet quitting», démission silencieuse en français.


Tout commence sur TikTok en 2021 avec le «tangping», un hashtag apparu en Chine signifiant littéralement «rester allongé». Rapidement censuré par les autorités, il appelait à rejeter les attentes liées à la productivité, en somme, ne plus se donner corps et âme au travail.
​Mi-2022, il réapparaît sous le nom #quietquitting aux États-Unis, en Angleterre et progressivement en France. Sur le réseau social, il cumule plus de 65 millions de vues et suscite à la fois engouement et critique. Interrogé dimanche 28 août sur le plateau du Grand Jury de LCI à propos de cette nouvelle tendance, Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, affirme qu'«évidemment ça nous interroge collectivement». Alors, phénomène de mode de la Génération Z, conséquence de la «grande démission » ou cri de détresse ?

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Selon Laurenz Meier, Professeur en Psychologie de la santé au travail à l'Université de Neuchâtel (Suisse), le fondement du «quiet quitting», c'est-à-dire la volonté d'instaurer des frontières plus nettes entre travail et vie personnelle, est «définitivement une bonne chose pour les employés et pour l'entreprise sur le long terme». Cette pratique permettrait d'éviter certains comportements contre-productifs qui apparaissent lorsque l'employé ressent un «déséquilibre entre les efforts qu'il fournit et ses récompenses». Par exemple, «prendre des pauses plus longues, arriver en retard, voire voler au travail ... toutes les petites méthodes pour retrouver une certaine équité».

Julia Widler, doctorante dans le même établissement, note cependant que «la démission silencieuse peut être néfaste si elle provoque une “démission intérieure”». Ce phénomène, différent du burn-out, correspond à une indifférence face à son travail et une difficulté grandissante à supporter les journées. Il peut provoquer une «spirale descendante» dont il est difficile de sortir car «la baisse de motivation et d'engagement réduit les possibilités de se sentir productif et valorisé, ce qui renforce d'autant plus le sentiment», explique-t-elle. Un avis partagé par Benoît Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH : «les raisons pour lesquelles les employés restent ne sont plus les bonnes. Finalement l'employé n'est plus engagé et c'est là que ça devient dangereux ».


Un «appel au secours»

Selon Julia Widler, le quiet quitting pourrait finalement être un «appel au secours» en réaction à des conditions de travail de plus en plus exigeantes. «Ce qui me préoccupe, c'est que les emplois deviennent de plus en plus denses.
Il ne s'agit pas tant de travailler plus longtemps mais de travailler plus dur», observe Laurenz Meier. «Plus on est polyvalent, plus on nous demande d'en faire, assure Thomas, quand tout le monde est parti en vacances pendant trois semaines, j'avais 3000 clients à gérer au lieu de 600 parce qu'on me faisait confiance». À l’issue de la pandémie de Covid-19, «il y a aussi une très forte impatience de changer les styles de management trop contraignants», explique Benoît Serre. Pour les employés, la question devient évidente : pourquoi ne peut-on pas changer notre modèle aussi rapidement qu'il l'a été durant la crise ?

«Je pense que le principal problème est le manque de compréhension des supérieurs», déclare Laurenz Meier.
Parfois, de simples moments de communication peuvent booster la motivation comme «organiser des réunions régulières avec les employés pour expliquer le sens de certaines tâches», suggère-t-il.
​Malgré tout, le problème peut parfois être hors de portée. Concrètement, «si un employé souhaite travailler durant ses congés, ce n'est pas bien mais on ne peut pas l'en empêcher, explique Benoît Serre, là où il y a une faute c'est lorsqu'un employé est sollicité volontairement par l'entreprise en dehors de ses heures de travail». En réaction, de plus en plus de formations sont proposées pour aider à gérer les effets de la digitalisation dans le monde du travail et, notamment, faire évoluer les styles de management. Car selon Julia Widler, «les dirigeants doivent s'adapter au 21ème siècle avec un style de leadership différent».