Valeurs perso, quête de sens… En attendons-nous trop de notre entreprise ?

22 novembre 2022

Les mouvements progressistes se font entendre dans les entreprises depuis une dizaine d’années. La pression monte du côté des salariéˑe·s, qui réclament que les entreprises qui les emploient portent haut et fort leurs valeurs. Les grandes marques se sont empressées de multiplier les communiqués pour affirmer leur engagement vers plus de lien social, d’inclusion, de diversité, d’égalité et de politiques environnementales.
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Au-delà d’une potentielle déception, voyez-vous d’autres risques à vouloir ainsi une porosité entre nos valeurs personnelles et la politique de l’entreprise ?

Les entreprises marchent sur des œufs en ce moment : on leur demande soudainement de ne plus seulement être, mais aussi d’avoir du sens. Et le gros de leurs efforts pour incarner tout ça repose sur de la com’ et du marketing. Prenez une entreprise comme Coca-Cola ou Facebook : on nous sert des visions nobles, superbes et totalement irréalistes. Côté Facebook, ça donne quelque chose du genre on va “bâtir une communauté et rapprocher les gens” ; pour Coca-Cola, on va “inspirer des moments de bonheur et d’optimisme”. Le message — à savoir qu’”on” va apporter un supplément d’âme à ce monde, que ce soit aux salarié⋅e·s ou aux consommateur⋅rice·s — est proprement fascinant venant d’un réseau social et d’un fabricant de sodas !

Mais je ne pense pas que nous ayons, en tant qu’humains, tant que ça besoin d’avoir un “but supérieur” grandiose dans ce que nous faisons. Nous avons besoin d’une culture d’entreprise axée sur la dignité et le respect des personnes. Vous devez sentir que votre travail a une réelle importance, qu’il est valorisé comme tel et que vous faites votre part, véritablement. Et on voit clairement que beaucoup de boîtes vendent l’inverse de ce qu’elles font : elles présentent un tableau impeccable sans même, en interne, se préoccuper de ces sujets fondamentaux.

Je pense que c’est ce qui motive en partie ce mouvement de “Grande démission” : ce fossé entre la belle rhétorique et la réalité. Les entreprises annoncent que ces valeurs gouverneront désormais leur activité. Mais est-ce que ces valeurs ruissellent vraiment sur votre quotidien quand vous bossez à la compta, ou est-ce qu’il n’est pas plus important, au final, d’avoir de bonnes relations avec vos collègues et de jouir d’une certaine dose de liberté ? C’est dans ce sens que parler de but supérieur ou de grandes valeurs peut s’avérer trompeur et nous éloigner des questions concrètes que nous devrions poser sur la culture d’une entreprise avant de signer.

L’autre problème que je vois dans le fait que les entreprises deviennent ainsi les dépositaires de ces valeurs est que ça ouvre la porte à certaines formes d’exploitation. Si le travail devient une sorte de réponse universelle qui incarne toutes nos valeurs, il est évident que nous allons nous donner à fond et bosser plus en étant payés moins.

Dans les années 1960, on prédisait la semaine de 10 heures pour les années 2020 — alors qu’on n’a jamais autant bossé. À mes yeux, c’est en grande partie l’héritage d’un modèle capitaliste faussement sur le déclin. Dit autrement, c’est presque pour moi une nouvelle manière de nous tromper en nous faisant croire et en se faisant croire à soi-même que si l’on gère tous les dossiers que l’univers met sur notre chemin, que l’on y met tout notre coeur, alors notre travail nous aimera en retour.

Mais la plupart du temps tu ne reçois rien de ton travail — il t’oublie dès que l’argent ne rentre plus suffisamment.

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