- Le Cercle des DRH a lancé, en juillet 2021, une enquête pour savoir comment les DRH entendaient appréhender l'avenir du télétravail dans leurs entreprises après cette longue période de confinement (1) : 80 % d'entre eux pensent qu'il sera toujours autorisé, notamment pour les métiers compatibles avec le travail à domicile, à un rythme de deux jours hebdomadaires ; 15 % souhaitent qu'il soit généralisé à l'ensemble du personnel enfin, 5 % pensent que l'expérience télétravail sera définitivement arrêtée.
Le télétravail d'après
Pour la quasi-unanimité des DRH (95 % du total des répondants), le télétravail devient donc une norme à intégrer dans leur future organisation.
Cette pérennisation va avoir plusieurs conséquences notables.
Tout d'abord, les locaux d'entreprise vont être modifiés pour être adaptés au travail à distance.
Les directions pourront y trouver d'ailleurs des gains financiers substantiels : économie importante sur les loyers avec la diminution des surfaces occupées par le personnel (de l'ordre d'un tiers, voire de la moitié). Ensuite, les coûts indirects tels que l'entretien des immeubles, le nettoyage, les frais de chauffage et d'électricité baisseront proportionnellement à la réduction de la superficie des locaux.
Sans parler, bien entendu, de l'incidence fiscale, puisque certains impôts seront réduits proportionnellement à la superficie retenue pour le calcul de certaines taxes.
L'absentéisme va probablement décroitre. Le personnel souffre moins du stress, des pressions managériales, des tensions entre collègues et des temps de travail « à rallonge ». Avec ce bien-être retrouvé, les salariés seront de fait moins absents. Ils seront également plus productifs dans la mesure où, à la baisse des temps de transport, correspondra un allongement corrélatif du temps consacré au travail.
Même si certains DRH prônent le remboursement des frais professionnels liés au télétravail, la législation actuelle ne l'impose absolument pas. En effet, l'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 affirme simplement le principe d'une prise en charge, en renvoyant les entreprises à la possibilité d'introduire un dialogue social sur ce sujet avec les représentants des salariés.
Certains DRH vont donc continuer de se dispenser de défrayer les salariés qui restent à domicile pour travailler. Tant que la législation ne rendra pas obligatoire une telle prise en charge, les directions d'entreprise pourraient se contenter d'opter au mieux pour un remboursement a minima des coûts engendrés par le télétravail.
Les relations collectives se trouvent aussi profondément bouleversées dans la mesure où l'accès au dialogue social numérisé est rendu particulièrement difficile aux syndicats et aux CSE. D'ailleurs, peu d'accords sur ce sujet ont été signés. Une quarantaine seulement prévoient des dispositions sur l'Intranet syndical (à rapprocher des 53 arrêts rendus sur ce sujet par la Cour de cassation). Les syndicats peuvent simplement bénéficier des mesures légales qui imposent de mettre à disposition du personnel des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l'intranet de l'entreprise (2).
Les revendications syndicales risquent de pâtir de cet éloignement.
Car il faut noter que les syndicats ont du mal à appréhender les enjeux réels du télétravail, alors que les salariés y trouvent souvent bien des avantages. De fait, ils risquent de rencontrer des difficultés pour identifier exactement les revendications de ceux travaillant à distance.
Le management va également en subir des effets délétères. Les responsables vivent mal le télétravail qui remet en cause leur pouvoir hiérarchique direct. L'éloignement physique de leurs équipes rend plus délicat l'exercice de l'autorité, d'autant que l'encadrement n'a souvent reçu aucune formation sur le télé-management. Le télétravailleur développe en effet plus d'indépendance, et est plus difficilement contrôlable à distance par ces cadres dépourvus d'une autorité directe.
Dès lors, le risque est réel de voir progresser des pratiques « harcèlogènes » ou nocives de la part du management intermédiaire tentant, par ce moyen, de retrouver le pouvoir qu'il a perdu. Un essor des RPS n'est, de ce point de vue, pas à exclure, et l'entreprise aura sans doute, via les services RH, à user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner les comportements inappropriés.
Pour qu'il soit une opportunité de progrès et non un risque de régression, le télétravail doit être accompagné par les DRH, placés, une nouvelle fois au cœur de cette solution d'avenir pour l'entreprise.
(1) Enquête du Cercle des DRH clôturée le 9 juillet 2021.
Publiée le 16/09/2021 Sylvain Niel, Directeur du Cercle des DRH
Contrat de travail et Relations individuelles