La finance durable : réelle conscience sociale et écologique ou simple enjeu financier ?

30 mai 2023

C’est dans les années 2000 que la notion d’Investissement Socialement Responsable (ISR) prend de l’importance et que les marchés financiers commencent à parler d’éthique et d’environnement. Cette tendance s’est renforcée avec l’adoption en 2015 de 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) par les Nations Unies à l’horizon 2030. Aujourd’hui, toutes les entreprises cotées en bourse sont notées par des agences qui utilisent les critères ESG (Environnemental Sociaux et de Gouvernance).

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L’investissement ISR pourra-t-il réconcilier la finance et les enjeux de société ?



Les critères ESG sont des critères non-financiers que les investisseurs intègrent dans leur choix lorsqu’ils sont à la recherche d’investissements socialement responsables.
Ces critères permettent d’évaluer l’impact d’une entreprise sur la planète, la manière dont elle est gérée, y compris les enjeux sociétaux. Ils ont pour vocation de pousser l’entreprise à choisir des actions qui tiennent compte de l’environnement, du développement durable, de l’éthique et à avoir une vision à long-terme.


Un système de notation des entreprises qui reste obscur, incomplet et très critiqué

Le contrôle des critères utilisés pour classer et noter les entreprises pose question puisqu’il n’existe, à ce jour, ni réglementation, ni méthodologie commune​permettant de mesurer leurs performances extra-financières.
Ce sont des agences comme CDP, EcoVadis, Vigeo Eiris ou Corporate Knights... qui notent les performances extra-financières des entreprises.
Ces mêmes entreprises, qui sont notées par les agences de notation ont récemment été interrogées par des organisations patronales et des associations d’investisseurs ; le retour n’est pas tendre ! Avec une note de 2,78/5 elles pointent du doigt le manque de transparence et la qualité des évaluations qu’elles subissent (changements de méthodologie, la mauvaise prise en compte des spécificités des entreprises...).
Un cadre juridique s’impose pour demander des normes et plus de transparence sur ces sujets qui pèsent sur les décisions des investisseurs.
L’arrivée de nouveaux indices (CAC40 ESG, CAC SBT 1,5°C) pourraient bousculer les choix d’investissement et priver certaines entreprises de sources de financement.

Les évaluations des agences sont réalisées sur la base des rapports annuels, des publications de l’entreprise, des sites web. Des entretiens ou des questionnaires additionnels peuvent compléter l’évaluation.

 


Chez Schneider, c’est le SSI qui mesure la performance en matière de développement durable

Schneider a créé son « indicateur maison », le SSI (Schneider Sustainability Impact). Cet indicateur complexe est composé de 6 engagements (Climat, Ressources, Confiance, Egalité, Générations et Local) qui se déclinent en 11+1 programmes. Il fait l’objet d’une publication trimestrielle en même temps que les résultats économiques.
C’est le résultat de ses engagements pour l’environnement et l’éthique qui permettent au groupe d’être reconnu comme un champion du développement durable et de recevoir de nombreuses distinctions.
Le SSI entre dans le calcul de l’intéressement groupe. Il représente aussi 20% de la part Groupe du STIP. Son résultat est communiqué par l’entreprise, c’est un calcul purement interne.


Schneider se fait le chantre d’« Un avenir durable et résilient »… Mais est-ce une garantie de bonne conduite ?

Dans son rapport annuel, Schneider détaille sur plus de 150 pages sa stratégie et ses engagements.

  • Le volet Environnement de l’ESG chez Schneider :

L’ambition est importante et les objectifs affichés : la décarbonation des sites, la neutralité carbone en 2050, l’utilisation d’énergies 100% renouvelables d’ici à 2030, 100% de la flotte automobile du groupe électrique, l’arrêt de l’utilisation des énergies fossiles, le recyclage des produits, l’économie circulaire, la sélection drastique des fournisseurs qui respectent l’environnement….
Mais ces ambitions sont aujourd’hui entachées par des polémiques !

  •  L’exemple des délocalisations (dénoncées de longue date) mais dont l’impact carbone est nié ou oublié
  • La fermeture d’une usine française alors qu’elle est spécialiste du recyclage (Bourguebus)
  • La participation de Schneider au projet EACOP(*), l’un des pires projets sur le plan environnemental. Projet qui a fait l’objet d’une question à l’assemblée générale des actionnaires.

(*)projet d’extraction et de transport de pétrole entre l’Ouganda et la Tanzanie de 10 milliards de dollars où Schneider est un sous-traitant de Total Energie. Ce projet aura des impacts majeurs sur les populations et l’environnement).


Un groupe de salariés a interpellé Jean-Pascal Tricoire concernant le projet EACOP (lettre ouverte 03/2023) lui demandant d’expliquer la participation de Schneider à ce projet qui est en totale contradiction avec les valeurs du groupe.
Le président de Schneider se justifie en expliquant avoir mandaté des experts sur la question environnementale, « que de manière pragmatique les états sont souverains et que l’occident n’a pas à leur donner des leçons sur la manière de se développer, que la déforestation sauvage est bien pire avec des impacts sur la santé des population, que par ailleurs priver ces deux états de la richesse générée par ce projet aggraverait les inégalités dans le pays ». Schneider participera donc bien au projet EACOP qui « réduirait de 30% l’impact carbone (OPEX projet) ». L’impact total serait en réalité plus proche de 2%.


  • Le volet Social de l’ESG chez Schneider

Dans son rapport annuel, Schneider parle de « récompense des employés pour leur performance » avec un couplet sur l’intéressement et la part variable du STIP.
L’année 2022 a bien été l’année des records pour Schneider, mais pas pour les salariés puisque l’entreprise n’a pas récompensé ses salariés (niveau d’intéressement et STIP très bas...).
Chez Schneider, il n’y a clairement plus de corrélation entre les performances de l’entreprise et la rémunération variable des salariés.
Côté éthique, là encore l’entreprise se cache derrière des impératifs business pour faire des affaires et investir dans des zones peu respectueuses des droits de l’Homme et droits des minorités (Chine, Turquie, Hongrie…). Ce sujet, abordé dans de nombreuses instances, est encore un « sujet qui fâche ».

  •  Le volet Gouvernance de l’ESG chez Schneider

Le critère « gouvernance » n’est pas adressé dans les critères du SSI sauf si l’on considère le point diversité...
Aucun indicateur sur la rémunération des dirigeants, notamment sur la distribution des actions gratuites aux cadres dirigeants, dans une entreprise qui se veut exemplaire, ce critère devrait être pris en compte et ne pas rester caché.


Si Schneider est aujourd’hui l’une des entreprises les mieux notées par les agences, la perception des salariés est moins idyllique !

Schneider se définit comme « une entreprise à impact » avec une conscience écologique et sociale mais aujourd’hui, du fait de sa couverture mondiale et de sa présence dans quelques pays peu respectables, elle a du mal à faire la part des choses entre le business et ses convictions.
Signe de changement ? Revers de la médaille ? De plus en plus de défenseurs de l’environnement s’invitent dans les AG des grands groupes et des banques (dont la BNP qui gère les fonds des salariés) un peu trop complaisants avec l’environnement. Ces nouveaux mouvements comptent bien peser pour influencer les décisions des entreprises.


Schneider est bien engagé dans le développement durable, mais les choix et le suivi des critères SSI restent à la main du COMEX or le développement durable n’est pas uniquement un sujet de la direction.

Le développement durable est un enjeu de société, il ne doit pas uniquement servir à attirer les actionnaires et les financements.



2023 05 30 La Finance durable réelle conscience écologique ou enjeu financier 2023 05 30 La Finance durable réelle conscience écologique ou enjeu financier